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LA PAROLE A...PHILIPPE MEIRIEU, CHERCHEUR, SPECIALISTE EN PEDAGOGIE, ESSAYISTE

#LYCEEARMANDDAVID #PHILIPPEMEIRIEU
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1.Philippe Meirieu, le métier de professeur, plus essentiel que jamais ?

Oui, bien sûr. Car le métier de professeur ne se réduit pas à la transmission de savoirs utiles pour passer les examens et pour réussir sa vie professionnelle, il est au cœur de ce qui est rend possible toute démocratie : l’exigence de précision, de justesse et de vérité. A l’heure où nos élèves sont saturés d’informations de toutes sortes et peinent à les hiérarchiser, face à la montée des slogans populistes qui réduisent la complexité des problèmes du monde à la recherche de boucs émissaires, quand émergent des théories du complot qui laissent croire qu’on peut tout juger sans rien comprendre, il est plus que jamais nécessaire de mettre en oeuvre dans nos classes, nos écoles et nos établissements, des pratiques pédagogiques qui suscitent le désir d’apprendre, d’approfondir, de ne jamais se satisfaire de l’à-peu-près, d’être toujours en recherche, en quête, en enquête... C’est de cela dont est chargé aussi le professeur et c’est pour cela qu’il « cheville la démocratie ».

2. Comment faire face aux nouveaux outils fondés sur l'IA comme chatGPT ?

Ces outils prolongent ce que nous faisons depuis bien longtemps : ils constituent une forme de « mémoire externe », comme l’écriture, les listes, les livres, les bibliothèques, la photographie, les archives sous toutes leurs formes, Internet. Ils n’existent que parce que nous les construisons et ils ne sont que ce que nous mettons dedans. Ce qu’ils nous restituent, ce sont des combinaisons effectuées à partir d’occurrences statistiques dans une gigantesque base de données… Nous pouvons en devenir esclaves et, en quelque sorte, nous « machiniser » nous-mêmes en réduisant nos réponses à des combinaisons, aussi bien faites soient-elles. Ou nous pouvons utiliser ce que nous fournit l’IA comme une sorte de brouillon, un matériau de départ avec lequel nous allons créer quelque chose de singulier et d’humain. Mais cela va nous amener à changer radicalement nos critères d’évaluation scolaire : il nous faudra passer d’une qualité identifiée à la conformité (ce que fournit l’IA) à une qualité fondée sur l’originalité, la créativité, la singularité au service des humains. Il nous faudra aussi préserver coûte que coûte ce qui fait l’humain chez les humains : la fragilité, l’hésitation, le doute, le sens de l’autre… que je dois respecter parce que, comme moi, il n’est pas une machine et que je peux le blesser.

3. Au moment de la rentrée, quel message aimeriez-vous adresser aux élèves et étudiants?

De toujours s’interroger sur les finalités que nous poursuivons, les valeurs que nous portons et que nous voulons promouvoir. Il ne faut pas céder à la captation du « comment » qui nous fait toujours regarder le présent et tenter de l’améliorer techniquement sans voir ce qui est en jeu pour le futur. Il faut toujours se demander, comme le disait déjà Renaud, au temps de ma jeunesse : « C’est quand qu’on va où ? » . C’est vrai pour nous autres professeurs et c’est vrai aussi pour les élèves qui peuvent ne pas seulement se débrouiller pour avoir de bonnes notes mais s’interroger de temps en temps sur ce que c’est que « réussir sa vie »… au-delà du prochain contrôle !