1. Nicolas Mathieu, vous venez de co-signer un appel à Gabriel Attal Ministre de l'Education Nationale sur l'écrit et la lecture. Pensez-vous que nous soyons à ce sujet en état d'urgence absolue et pour quelles raisons ?
Je ne voudrais pas surdramatiser les choses. Mais les écrans sont un adversaires majeurs de la lecture vraie, profonde, celle des livres et des romans. J'en parle en connaissance de cause puisque je suis moi-même très accro à mon téléphone. Par ailleurs, on sait quels dommages causent les écrans sur les jeunes cerveaux. Globalement, je suis convaincu que l'hégémonie de l'écran nous mène vers des types d'intelligence du monde dégradées. C'est de cela dont il s'agit. Garder la possibilité de la concentration dans le temps long, conserver la possibilité de ce travail que les livres font en nous, que la lecture grave dans nos cerveaux, préserver l'accès à des pensées qui se déploient largement,, dans la complexité, la nuance, sans avoir sans cesse des échappatoires, des gratifications narcissiques, des raccourcis économes, etc. Et garder vivant l'immense plaisir, qui se paie d'un peu de peine, que procure la lecture.
2. Vous menez aussi un combat contre la censure après l'interdiction à la vente de Manu Causse "Bien trop petit". Est-ce un épiphénomène ou bien un mal plus profond ?
C'est un mauvais coup politique, assez localisé. Plus largement, la liberté dont bénéficie le champ littéraire est une conquête toujours menacée et que nous devons protéger à tout prix. Elle fut gagnée contre toutes sortes de pouvoirs qui s'exerçaient à son encontre, politique, religieux, économiques, idéologiques, etc. C'est un travail toujours à refaire, et contre les adversaires d'où qu'ils viennent.
3. Si vous aviez un ou des message(s) à adresser aux jeunes, que souhaiteriez-vous leur dire ?
Les joies les plus puissantes, les vraies fiertés, les amours les mieux faites, les victoires les plus retentissantes, le bonheur et le plaisir, dans leurs acceptions les plus éminentes : tout cela se paie d'un peu de peine, d'efforts. Il faut se surmonter, surmonter l'appel des facilités immédiates, pour accéder aux choses les plus hautes dans l'existence. C'est chiant, mais c'est comme ça.