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"PROFESSION GRAND REPORTER : INFORMER EN TEMPS DE GUERRE" : VINCENT HUGEUX S'EXPRIME - SEMAINE DE LA PRESSE A L'ECOLE

#PROFESSION GRAND REPORTER : INFORMER EN TEMPS DE GUERRE#LYCEEARMANDDAVID
#PROFESSION GRAND REPORTER : INFORMER EN TEMPS DE GUERRE#LYCEEARMANDDAVID

Dans le cadre de la Semaine de la Presse des Médias dans l'Ecole, voici un témoignage exceptionnel de Vincent Hugeux. Diplômé de l'École supérieure de journalisme de Lille après être passé au lycée Sainte-Marie de Beaucamps-Ligny. Ancien élève de l'Institut d'études politiques de Paris. Après des débuts au quotidien Le Monde et un passage à La Croix, il travaille désormais comme grand reporter au service international de l'hebdomadaire L'Express. Il est spécialiste de politique internationale, notamment de l'Afrique et du Proche-Orient.

« La première victime de toute guerre, c’est la vérité ». Formule attribuée d’ordinaire à Rudyard Kipling, l’auteur du « Livre de la jungle », mais aussi de  « The Great Game » (Le Grand jeu), essai portant sur la rivalité géopolitique entre les empires britannique et russe au 19e siècle en Asie. En fait, on doit la citation, sous cette forme, à son compatriote Philip Snowden (Philip, pas Edward…). Elle apparaît dans l’introduction d’un ouvrage paru en 1916, « Truth and the War ».

Si séduisante soit-elle, la formule me paraît contestable. A mon sens, les premières victimes d’une guerre, ce sont les civils, souvent broyés par un conflit dont ils sont les otages. Pour autant, il est exact que, depuis la guerre de Troie, soit au 12e siècle avant notre ère, le mensonge, ou, si l’on s’en tient au lexique d’aujourd’hui, la « désinformation », l’ « infox » (les « fake news » en anglais) figurent en bonne place dans l’arsenal des armées et des milices.

La propagande poursuit deux objectifs. Galvaniser le moral de ses propres troupes et de son peuple, qu’il s’agisse de magnifier une victoire plus ou moins imaginaire ou de conforter ses alliés. Et, symétriquement, saper la détermination de l’ennemi, quitte à exagérer ses revers ou ses faiblesses.

Si le « mensonge stratégique » est vieux comme le monde, le foisonnement des vecteurs de diffusion, à commencer par les réseaux dits sociaux, a décuplé sa viralité. L’esprit critique, le doute, résistent mal à la saturation des écrans par des messages formellement convaincants. Le désir -légitime- de « savoir vite » affaiblit les immunités mentales du citoyen lambda. D’où la difficulté des médias traditionnels, exposés à cette concurrence déloyale, à en contrecarrer les ravages. Enquêter, vérifier, recouper prend du temps, coûte de l’argent. Emettre un bobard via Twitter, Instagram ou Tik Tok se fait en un clin d’œil.

Soyons lucides : l’effort consistant à opposer des arguments factuels et rationnels à une légende urbaine peut s’avérer vain. Car c’est autant l’émetteur que le message que l’on disqualifie. Le trumpiste fanatique n’accorde aucun crédit aux analyses du New York Times ou du Washington Post, perçus comme les relais des gauchistes dégénérés de la côte Est des Etats-Unis. Idem pour le militant pro-russe et pro-junte de tel pays sahélien, enivré par les fadaises des manipulateurs planqués derrière l’étendard du « souverainisme panafricain ». Une remarque à ce propos : l’usage du mensonge finit souvent par se retourner contre son auteur. Washington paiera encore longtemps les arriérés de la manip’ de 2003, lorsque le régime irakien fut accusé de détenir des armes de destruction massive, justification invoquée pour envahir le pays et détrôner son dictateur Saddam Hussein.  

Cette bataille-là serait-elle perdue d’avance ? Non bien sûr. Pour preuve, l’éclosion des sites de « fact checking » (vérification des faits) proposés par des médias tels que Le MondeLibération, Radio-France, RFI ou France 24. D’où cet impératif : repérer les sources d’information crédibles. Ce qui suppose un investissement minimal en temps et en énergie".